Nous entamons ici un journal de la crise qui a commencé au début de 2020 avec la pandémie du Covid-19. C’est un exercice périlleux en ce que nos analyses vont manquer de recul. L’écriture de l’histoire immédiate n’est parfois pas loin du simple commentaire d’actualité. Nous nous lançons quand même. Nous nous appuierons de temps en temps sur le dernier chapitre de notre ouvrage Le Ménage à trois de la lutte de classes1, que ce soit pour infirmer ou pour confirmer les projections de la crise alors à venir, que nous tentions d’anticiper. Pour le reste, nos analyses se développeront dans le cadre normal de la théorie marxienne de l’accumulation du capital. L’apparition d’un virus plus dangereux que les autres ne change pas l’axiome de base : l’histoire du mode de production capitaliste est l’histoire de la lutte de classe entre prolétariat et capital. Toute crise manifeste un emballement dans ce rapport entre classes, plus ou moins critique selon les cas.

Évidemment, la première question qui nous est venue à l’esprit a été : la crise qui éclate est-elle la crise, non pas au sens de la crise « finale », mais au sens d’une crise suffisamment profonde pour poser la nécessité d’un changement d’époque : révolution communiste ou restructuration radicale du mode de production en place. Pour le moment, on en est pas là, comme on le verra dans les premiers épisodes. Mais avec le temps, ne va-t-on se rapprocher de plus en plus de ce point de bifurcation? C’est l’interrogation à laquelle nous serons sans cesse confrontés dans ce journal, car il y a longtemps déjà que le « monde d’avant » est gros d’un « monde d’après » – pas forcément celui dont il est question dans le discours politique et médiatique.

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1 Bruno Astarian & Robert Ferro, Le Ménage à trois de la lutte de classes. Classe moyenne salariée, prolétariat et capital, Éd. De l’Asymétrie, 2019.