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Eléments sur la périodisation du MPC: histoire du capital, histoire des crises, histoire du communisme.

Les notes qui suivent sont un commentaire succinct d’un schéma (non disponible), qui représente l’ensemble du cours historique de l’accumulation du capital. L’intérêt qu’il y a à établir une vue d’ensemble de l’histoire du capital est de montrer que cette histoire constitue un processus global obéissant à une logique contradictoire, qu’il a un début et une fin, et que son invariance (la récurrence des crises) n’exclut pas une évolution vers la production des conditions effectives de la révolution communiste.

 

Le contenu de ce texte mériterait d’être retravaillé en profondeur. Il fait en particulier l’erreur d’exclure, pour la quatrième période, tout retour de l’extraction de la plus-value vers le mode absolu, ce que le développement de pays comme la Chine contredit. On trouvera d’autres insuffisances ou imprécisions dans d’autres périodes. Comme il me semble que le schéma général de l’analyse reste valide, je publie le texte dans son état de 1998.

B.A.

2010

L’histoire du MPC se compose de deux périodes principales (subordination formelle et subordination réelle), elles-mêmes divisées en deux cycles longs que l’on a distingués par les modalités de l’extraction de la plus-value. Chaque cycle, à son tour, comporte des variations conjoncturelles, non représentées sur le schéma.

L’analyse historique du MPC se fait simultanément en termes de subordination et d’exploitation. Il faut en effet distinguer entre

l’exploitation, qui repose sur la division de la journée de travail en travail nécesaire et surtravail, et qui consiste en l’appropriation gratuite du surtravail par le capitaliste, et

la subordination du prolétariat au capital, qui est l’ensemble des moyens et conditions qui, dans le rapport entre les classes, permet une telle division de la journée de travail et en définit les modalités à chaque période. La subordination est le rapport de force entre les deux classes, et se concrétise dans chacun des trois moments de la reproduction du prolétariat. De façon générale, le prolétariat est subordonné au capital par le simple fait que celui-ci détient le monopole des moyens de production et de reproduction, et que le prolétariat est donc sans réserve, contraint de vendre sa force de travail contre le salaire. Au delà de cette brutale réalité,  la subordination du prolétariat au capital s’analyse en trois moments complémentaires

1.    le marché du travail, où se négocie la valeur de la force de travail.

2.    le procès de travail, où a lieu l’exploitation proprement dite

3.    la reproduction immédiate, ou vie privée, du prolétariat, où la valeur de la force de travail est vérifiée par le prix des subsistances et où le prolétaire est reproduit comme force de travail à renvoyer sur le marché du travail.

Ni le capitaliste ni le prolétaire ne connaissent l’exploitation. Ni l’un ni l’autre ne savent quand finit le travail nécessaire et quand commence le surtravail. Mais les deux classes savent parfaitement ce qu’est la subordination, et c’est sur le terrain de la subordination qu’elle s’affrontent quotidiennement. Selon les aléas de l’exploitation, qui se traduisent en hausse et baisse conjoncturelle du taux de profit, l’affrontement des classes entraine des ajustements dans les modalités de la subordination. Quand la rentabilité du capital est élevée et que l’accumulation du capital crée une demande importante de main d’oeuvre, le prolétariat en profite pour demander un allègement de sa subordination. Et inversement, quand la rentabilité baisse, le capital cherche à imposer une aggravation de la subordination pour renforcer la contrainte au surtravail, qui est la raison d’être de la subordination. La crise[1] éclate lorsque cette aggravation rend la subordination intolérable dans tel ou tel de ses trois moments. La crise se définit alors comme crise d’insubordination. En termes très généraux, le prolétariat se soulève parce que sa subordination a perdu sa contrepartie, la reproduction immédiate. L’activité de crise consiste alors, pour le prolétariat, à attaquer la subordination où le tient le capital à l’endroit où celui-ci juge précisément nécessaire de l’aggraver pour rétablir son taux de profit. Cet endroit varie selon les périodes, et c’est ce qui détermine la spécificité historique des insurrections en même temps que le contenu projeté du communisme. La crise d’insubordination est toujours affirmation du prolétariat, en tant qu’élément vivant du procès de valorisation, contre l’aggravation des modalités de la subordination qui le menace jusques et y compris dans sa vie.

I/ PREMIERE PERIODE: SUBORDINATION FORMELLE

1) Définition

Marx définit la période de la subordination formelle par le fait que le procès de travail conserve pour l’essentiel ses caractéristiques précapitalistes, et c’est en tant que tel qu’il vient s’insérer dans la forme salariale. Le capitaliste dirige un travail qui, peu ou prou, est identique à celui de l’artisan, et il se limite à lui donner une discipline, une régularité et une extension qui fait la différence entre l’atelier et la manufacture. Cette appréhension de la subordination formelle n’est en fait qu’une définition circonscrite au deuxième moment de la subordination tel que nous l’avons définit plus haut. Si l’on considère le rapport du capital à l’ensemble de la société, la définition de la subordination formelle consiste à dire également que les modes de production précapitalistes (petite production marchande, agriculture féodale…) n’ont pas disparu, et que le capital doit partager sa domination sur la société avec les classes dominantes de ces autres modes de production. Cet aspect est important pour comprendre pourquoi Marx, dans une autre approche de la question, identifie également subordination formelle et extraction de la plus-value absolue.

En effet, la survivance des modes de production précapitalistes implique que certains éléments du procès de valorisation du capital échappent à son influence. D’une part, certains éléments du procès de production capitaliste sont produits en dehors de lui. Ce peut être le cas des matières premières, même de machines. C’est aussi le cas d’une partie importante des subsistances, qui sont produites par une agriculture non encore capitalistique. Cela signifie que le capital ne détermine pas lui-même, ou très imparfaitement, la valeur des marchandises nécessaires à la reproduction de la force de travail, et qu’à cette mesure, les salaires sont pour lui une variable exogène. D’autre part, la survivance des modes de production précapitalistes signifie que la main d’oeuvre n’est pas directement et exclusivement confrontée au monopole capitaliste sur les moyens de production, de sorte que la contrainte au surtravail n’est pas immédiate et directe. La main d’oeuvre salariée a la possibilité de quitter momentanément son travail pour le capitaliste pour s’employer dans l’agriculture familiale ou l’artisanat. Et l’on sait que la question de l’indiscipline des travailleurs salariés était un souci permanent des capitalistes de cette période.

Les modalités de la subordination formelle du prolétariat au capital dérivent de ce contexte général:

1.    marché du travail: le capital est contraint d’alimenter constamment le marché du travail en prolétaires nouveaux. Il s’agit pour lui non seulement de trouver la main d’oeuvre nécessaire à son expansion, mais aussi de renforcer la concurrence entre les travailleurs qui disposent non seulement, pour beaucoup, d’un niveau élevé de qualification, mais aussi de la possibilité de se retirer du marché et de se replier sur les modes de production précapitalistes. Le capital force donc la marche de l’exode rural en détruisant par la violence l’agriculture précapitaliste (cf les clearances en Irlande et en Ecosse, ainsi que la politique coloniale), pour jeter sur le marché des villes un prolétariat nombreux, auquel il interdit de plus toute forme d’association et toute activité politique. La contrainte au travail et au surtravail passe aussi par une politique de salaires véritablement minimaux, qui provoque la mise au travail des femmes et des enfants. Encore une fois, la violence joue un rôle certain dans la mise en vigueur de cette politique.

2.    procès de travail: le coeur du procès de travail est assuré par des travailleurs qualifiés. L’échelle de la production, une certaine rationalisation dans les opérations annexes imposent toutefois l’emploi d’une main d’oeuvre abondante sans qualification. Face à un procès de travail dont il ne maitrise pas les éléments centraux, le capitaliste n’a d’autre moyen d’accroitre la productivité que d’imposer une discipline aussi stricte que possible. Vis à vis du travailleur qualifié, il agit comme une contrainte extérieure, intervenant à chaque instant pour assurer la régularité et l’intensité du travail. Qu’il s’agisse du salaire aux pièces, du système des amendes, des tricheries sur les horloges, le capitaliste intervient toujours de l’extérieur pour exercer la contrainte au surtravail. Mais surtout, il s’efforce de prolonger autant que possible la durée du travail, car dès lors que le salaire est effectivement au minimum vital, c’est la seule façon qu’il a d’augmenter la part du surtravail.

3.    reproduction immédiate: celle-ci se fait dans la misère la plus absolue, au point que certains critiques bourgeois comprennent eux-mêmes le caractère contre-productif des conditions de vie faites par le capital au prolétariat. Ils soulignent l’usure trop rapide de la main d’oeuvre et le potentiel de révolte qu’elles comportent (classes dangeureuses).

En résumé, parce qu’il a une importance cruciale dans le procès de travail immédiat, le prolétariat se trouve subordonné au capital de façon extrêmement destructrice dans les moments 1 et 3. C’est là un thème récurrent des insurrections du 19° siècle: nous sommes la source exclusive de la richesse, nous voulons participer à la vie sociale, économiquement et politiquement.

2) Périodisation de la subordination formelle

La période commence avec les origines du mode de production capitaliste. Notre schéma, par simplification, pose le début du capital à la fin du 18° siècle. La subordination formelle s’achève avec la fin de la grande dépression, dans la dernière partie des années 1890.

Les deux cycles longs de la période sont séparés par une phase d’une importance déterminante du point de vue du capital. Les années 1840, en effet, sont celles où le capital remporte des victoires décisives dans sa lutte contre la propriété foncière précapitaliste. En France, la révolution de 1848 lui fait définitivement perdre le contrôle de l’Etat. Les révolutions nationales des autres pays européens correspondent aussi à l’affaiblissement de cette forme de domination politique. Mais c’est en Angleterre, et en termes économiques, que la césure la plus nette intervient. En 1844, en effet, sont abolies les Corn Laws qui protégeaient la rente foncière des producteurs de céréales. Ces lois avaient été établies en 1815, et interdisaient l’importation de blé aussi longtemps que le prix intérieur n’avait pas atteint un certain seuil (élevé). Le vote de cette législation avait d’ailleurs provoqué des émeutes et des pillages de la part des ouvriers anglais. L’abolition des Corn Laws est l’aboutissement d’une lutte conjointe de la bourgeoisie industrielle et du prolétariat. Elle crée pour le capitalisme anglais une importante possibilité de faire baisser les salaires en important du blé, et permet donc une première mise en place de la plus-value relative.

On peut considérer que, durant le premier cycle long de la période, la valorisation du capital se fait exclusivement sur la base de la plus-value absolue. Le deuxième cycle voit une première combinaison de la plus-value absolue et de la plus-value relative. Cette première combinaison est caractérisée par le fait qu’une partie seulement des subsistances sont des marchandises capitalistes.  Le mécanisme de la plus-value absolue garde la primauté, reste la base principale de l’accumulation.[2] Pour limitée qu’elle soit, la mise en place de la plus-value relative n’en permet pas moins une reprise significative de l’accumulation, après la phase de ralentissement long des années 1820-40. On assiste alors à une phase d’accumulation rapide de capital fixe, qui s’accompagne bien entendu d’une première attaque contre les qualifications précapitalistes de la main d’oeuvre, entre autres sous la forme d’un effort de requalification au travers de l’instruction publique. En France, cette tendance est surtout manifeste dans la deuxième phase du deuxième cycle, c’est à dire dans les débuts de la III° République. D’autres éléments importants de la fin de la période correspondent à la même adaptation des modalités de la subordination du prolétariat à la mise en place de la plus-value relative. Il en va ainsi en particulier du développement des syndicats et des partis ouvriers, qui marque l’intégration progressive de l’ensemble des facteurs de la reproduction prolétarienne dans l’auto-présupposition du capital. Syndicats et partis affrontent alors le capital sur ce qui est en train de devenir un archaïsme pour le capital dans ses efforts permanents de subordination du prolétariat: absence de droit syndical et politique, durée du travail, niveau des salaires. Mais ceci ne concerne que la fin de la période et la transition vers la période de la subordination réelle.

3) Crises de la subordination formelle

Lorsque le prolétariat se soulève, c’est toujours parce que l’échange de la force de travail devient impossible. Les raisons de cette impossibilité ne peuvent pas plus se déterminer scientifiquement que l’on ne peut déterminer une fois pour toute la liste des marchandises nécessaires à la reproduction de la force de travail et leur valeur. La crise éclate parce que, à un moment donné par les circonstances, l’aggravation recherchée par les capitalistes dans les modalités de la subordination afin de faire baisser les salaires devient intolérable. On a vu plus haut que, dans les conditions spécifiques de la subordination formelle, les capitalistes agissent sur les conditions qui déterminent le salaire de façon politique et policière. La dictature des capitalistes n’est pas déguisée, elle est directe et repose sur l’exclusion des prolétaires de la vie politique. C’est pour eux la façon qu’ils ont de répondre à la centralité quantitative et surtout qualitative du travail vivant dans le procès de travail, ainsi qu’au fait que les paramètres de la valeur de la force de travail leur échappent dans une grande mesure.

Au moment où l’éclatement de la crise bloque l’échange de la force de travail, l’insurrection du prolétariat consiste, dans tous les cas, à s’affirmer violemment contre la société qui l’exclut. L’impossibilité de l’échange salarial met le prolétariat dans une situation d’irreproductibilité qui le contraint à se révolter, à défendre sa place dans la société. L’activité immédiate du prolétariat dans la crise n’est jamais que cette défense contre les attaques les plus extrêmes des capitalistes qui cherchent à renforcer sa subordination pour obtenir une baisse de salaire. Le prolétariat ne se soulève pas pour « faire le communisme ». Mais le communisme, qui est en même temps sa négation, est sa seule défense conséquente dans la mesure où l’élément objectif de la suraccumulation du capital interdit toute sortie de crise dans le cadre du salariat qui ne soit pas l’aggravation de la subordination du prolétariat au capital. Dans toute crise, l’affirmation du prolétariat s’appuie sur ces éléments de sa subordination où la pression capitaliste est moindre, et se concentre contre les autres éléments, où la pression capitaliste s’efforce d’obtenir un recul prolétarien.

Dans les conditions de la subordination formelle, l’affirmation du prolétariat repose sur la centralité du travail vivant, et la revendication portée par le soulèvement est celle de la participation à la vie sociale. C’est ce qu’expriment des insurrections comme celles de Lyon en 1831, de Paris en 1848 et en 1871. Les quartiers ouvriers se constituent en bastions fortifiés d’innombrables barricades. Il est caractéristique que les lieux de travail ne sont pas concernés, comme si toute la force de production se trouvait dans les mains des ouvriers eux-mêmes et ne prenait nullement la forme de capital constant. Les bastions ouvriers se forment comme une verrue sur la ville et sont là pour demander la participation à la vie politique. Les barricades ne cherchent pas à perturber la production, mais bouleversent la vie politique de la ville. Elles affirment l’existence du prolétariat dans la ville plus que dans l’atelier, et servent de base pour des attaques prolétariennes en direction des lieux de la vie politique. C’est fréquemment l’Hotel de Ville qui est alors visé, ce qui correspond probablement au fait que la bourgeoisie est plus présente à ce niveau municipal qu’au niveau national.  L’insurrection de Juin 48 ne comporte cependant pas cet élément, qui était présent en Février 48. Car en Juin, le prolétariat a déjà le maximum de participation politique possible dans les conditions d’alors (la Commission du Luxembourg), et c’est précisément sur ce point que la bourgeoisie l’attaque. L’insurrection est alors un pur enfermement du prolétariat dans ses bastions barricadés, et la férocité de la répression de Cavaignac exprime à quel point cette affirmation du prolétariat dans la société est intolérable pour la bourgeoisie française d’alors.

La crise majeure de la deuxième période, la Commune de Paris, n’est pas entièrement exempte de présupposés de la première période. Certes, l’insurrection qui répond à l’attaque de Thiers contre les canons de la Garde Nationale ne comporte pas de bastions ouvriers barricadés de l’importance de Juin 1848, mais elle aboutit encore à l’Hotel de Ville. Dès le départ, le prolétariat lutte de façon conjointe avec la petite bourgeoisie républicaine et communaliste de Paris, contre la bourgeoisie monarchiste et les classes rurales. Les combats pour la défense de Paris, par la suite, ne sont pas non plus  assimilables aux barricades de 48. Il s’agit alors moins de l’auto-enfermement d’un bastion prolétarien contre le reste de la société qui l’exclut que de la défense militaire d’un soulèvement politique où les intérêts de la petite bourgeoisie communaliste/républicaine et du prolétariat sont inextricablement mêlés. Car derrière les combats aux fortifications de Paris, emmêlés dans la politicaillerie des pouvoirs concurrents du Comité Central et de la Commune, le soulèvement  a eu une pratique proprement prolétarienne, voire programmatique. Un comptable et un ouvrier sont chargés de prendre le contrôle du ministère des finances – mais respectent ses coffres! Le travail de nuit des ouvriers boulangers est interdit; La restitution des biens engagés au Mont de Piété est projetée, de même que la création de boucheries municipales; un salaire maximum, non cumulable, est instauré pour les fonctionnaires; la Commune  décide aussi la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la suppression du budget des cultes et la saisie des biens de l’Eglise… Il est vrai qu’une partie des mesures prises par la Commune sont restées à l’état de projet. Ainsi la suppression du Mont de Piété et son remplacement par un système d’assurance-chômage n’a pas pu être effectuée; un projet d’enseignement populaire très complet, et dont la III° République reprendra les principes, ne sera que très partiellement appliqué.

Mais la nature révolutionnaire de la Commune a surtout consisté dans la forme politique qu’elle a inventée, celle de la démocratie locale directe, avec révocabilité. Entre cette forme et le strapontin que le gouvernement de la deuxième république avait accordé aux ouvriers, il y a tout le développement capitaliste des années 1850 et 60, tel qu’il était centré sur l’extraction de la plus-value absolue, mais aidé par l’apparition de la plus-value relative: le prolétariat restait un exclu politique, mais avait gagné en importance. Cette forme sera abondamment évoquée lors de la poussée révolutionnaire des années 1918-20, car elle critiquait déjà la participation politique du prolétariat à la démocratie bourgeoise, qui pourtant n’en était qu’à ses premiers balbutiements. Cependant, elle diffère sensiblement des conseils des années 1918-20 en ce que la base élective de la Commune est exclusivement le quartier, et jamais l’usine. Cela aboutit à une relative « impureté » de classe, qui correspond bien au stade encore limité du capitalisme parisien de 1871. Ce n’est qu’après les restructurations mises en place au cours de la grande dépression que le thème de la grève générale  introduit la production dans la contestation prolétarienne du pouvoir de la bourgeoisie. Mais ce thème ne sera jamais mis en acte.

4) Le Communisme théorique dans la subordination formelle

Le communisme théorique s’appuie sur l’activité de crise du prolétariat pour projeter une solution de la contradiction sociale qui corresponde aux modalités de l’insubordination du prolétariat. Dans les conditions de la subordination formelle, cette solution passe en premier lieu par la sphère politique, puisque c’est là que se trouve l’arme principale de la bourgeoisie pour contraindre le prolétariat au surtravail. La dictature du prolétariat, certes, se présente de façon différenciée entre le premier et le deuxième cycle de la période, mais c’est toujours en dehors de la sphère de la production proprement dite que le communisme théorique se place d’abord pour résoudre la contradiciton sociale. Dans le premier cycle, il s’agit de « conquérir la démocratie » (Manifeste) car « la démocratie a pour conséquence nécessaire la domination politique du prolétariat, et la domination politique du prolétariat est la première condition de toutes les mesures communistes »[3]. Sur cette base, il est frappant de constater que les 10 mesures proposées par le Manifeste ne mentionnent jamais la durée du travail ni les conditions de travail et renvoient, à terme, aux « producteurs associés » comme à la forme sociale où les classes seront abolies. La même problématique se retrouve dans le deuxième cycle, après la Commune, mais cette fois en mettent l’accent sur la transformation de l’Etat, au lieu de la conquête de la démocratie. Cette dimension politique du programme prolétarien montre bien comment le communisme est projeté à partir de la réalité concrète de la subordination plus qu’à partir de l’analyse abstraite de l’exploitation. Il ne s’agit pas tant de supprimer le surtravail (au contraire, le programme prolétarien est aussi un programme de développement des forces productives qui implique le surtravail) que de supprimer la contrainte au surtravail telle que la bourgeoisie l’exerce, dans des conditions historiques spécifiques. Et l’argument selon lequel l’exploitation est supprimée par le seul fait que les travailleurs sont associés et contrôlent l’utilisation du surproduit suffit à poser que la contradiction sociale est en effet résolue. Ce pseudo-dépassement de la contrainte au surtravail instaure un règne de la liberté qui est fondamentalement la liberté du travail, au sens de production de surtravail sans contrainte.

II/ DEUXIEME PERIODE: SUBORDINATION REELLE

1) Définition

De même que pour  la subordination formelle, il faut définir la subordination réelle du prolétariat au capital à un double niveau. D’une part le procès de travail devient spécifiquement, réellement capitaliste. Cela signifie que son contenu devient maintenant directement adapté au but fondamental de la production capitaliste, qui n’est pas tant de produire des marchandises que de valoriser le capital. Cette adaptation se fait comme seconde dépossession du travailleur. Si les premiers capitalistes avaient dépossédé les travailleurs des conditions objectives de leur travail, à savoir les outils et les matières premières, à présent la dépossession porte sur ce qui leur restait dans cette première période: leur qualification. L’accumulation du capital fixe transfère progressivement le savoir-faire de l’ouvrier à la machine, et la qualification qui reste à l’ouvrier est maintenant entièrement subordonnée à ces machines, et doit s’adapter à leur perfectionnement continu.

D’autre part, le procès d’ensemble du capital unifie maintenant complètement la société. Les modes de production précapitalistes ont reflué à un point qui suffit à interdire tout repli du travailleur en dehors du rapport salarial. L’ensemble des branches de la production sociale est maintenant contrôlé par le capital, ce qui détermine la possibilité systématique de la production de plus-value relative par application des méthodes de production capitalistes à l’ensemble des marchandises formant le panier des subsistances nécessaires à la reproduction de la force de travail.  Les modalités de la subordination du prolétariat se déclinent alors de la façon suivante:

1.    marché du travail: dès lors que la production/reproduction de la force de travail devient une variable purement endogène du capital, les institutions permettant de réguler le marché du travail se mettent en place. Les syndicats sont à présent légalisés, et bientôt considérés par le patronat comme des partenaires nécessaires par exemple pour l’établissement d’accords de branche et de conventions collectives. La législation du travail se développe, et l’apparition du Ministère du Travail signale l’accession de la reproduction ouvrière au rang des préoccupations légitimes de l’Etat. Les conditions particulières de la I° Guerre accélèrent puissamment cette évolution amorcée dès le tournant du siècle.

2.    procès de travail: ainsi que nous l’avons dit, la transformation du procès de travail a pour contenu la seconde dépossession du travailleur. Taylor constate que « l’atelier était en pratique conduit par les ouvriers, et non par les contremaitres ». Chef d’atelier, il constate que « la somme des connaissances et de l’expérience des ouvriers … était exactement dix fois plus étendue que la sienne »[4]. Et il va s’employer à briser cette base de pouvoir ouvrier dans la production. La discipline du travail est maintenant organisée par le capital fixe, et non plus seulement de façon policière. Non sans conflits d’ailleurs, car l’absentéisme se développe alors de façon importante. Par la suppression des temps mort qu’elle implique, la taylorisation du travail est d’ailleurs une des façon d’extraire de la plus-value absolue sur la base de la plus-value relative (de l’accumulation intensive du capital). La taylorisation ouvre la voie au fordisme, qui en est l’achèvement (voir paragraphe suivant).

3.    reproduction immédiate: la hausse relative des salaires et la baisse de la valeur des subsistances déterminent une hausse de la consommation ouvrière. Mais surtout, c’est la composition du panier des subsistances qui indique les modifications des modalités de la subordination du prolétariat dans ce troisième moment. Par exemple, l’accumulation intensive du capital s’accompagne d’un important développement de l’urbanisation, et la consommation ouvrière doit s’adapter à ce nouveau mode de vie (grands ensembles, transports). Simultanément, l’intensification du travail requiert, pour l’équilibre physique et psychique de la force de travail, une consommation systématique de services médicaux et de loisirs, etc…

C’est le nouvel équilibre entre ces trois moments que l’on appel couramment le « compromis fordiste ».

2) Périodisation de la subordination réelle

La période commence avec la sortie de la longue dépression de la fin du 19° siècle. Elle se poursuit jusqu’à nos jours.

La période de la subordination réelle se divise en deux cycles longs que sépare la II° guerre mondiale. Le premier cycle est celui de la deuxième combinaison des deux modes d’extraction de la plus-value. Le taylorisme, dont les premières applications pratiques datent de 1899, marque la création du travail spécifiquement capitaliste. Mais sa mise en place progressive laisse encore la place à l’extraction de la plus-value absolue. Mieux: elle la requiert. C’est entre autre pourquoi les fractions rivales du capital continuent de s’affronter sur le terrain du colonialisme.

Les deux cycles se dinstinguent entre eux par la différenciation du taylorisme et du fordisme. La taylorisation du travail consiste en sa décomposition « scientifique » en geste élémentaires réservés chacun à un travailleur et permettant un gain de temps global. Le fordisme s’en distingue par l’introduction de l’élément central qu’est le convoyeur, qui permet de gagner encore du temps en imposant par la machine un rythme déterminé et identique à chacune des opérations élémentaires. La taylorisation du travail apparait au tournant du siècle, tandis que la première chaine de montage n’apparait qu’en 1913, pour ne se répandre vraiment qu’après 1920 aux Etats-Unis, et après la deuxième guerre mondiale en Europe. C’est que le passage du taylorisme au fordisme suppose une fixation importante de capital dans la chaine de montage. Elle suppose aussi que soit vaincue la résistance des travailleurs à l’introduction des nouvelles méthodes de travail amenées par la chaine de montage. C’est ici que se place la notion de « compromis fordiste ». Ce compromis consiste en ce que les patrons, et Ford lui-même en premier, durent très sensiblement augmenter les salaires pour faire disparaitre l’absentéisme et le turn-over que provoquèrent les nouvelles conditions de travail à la chaine. En Europe, la I° guerre mondiale joua un rôle fondamentale dans la victoire du capital contre cette résistance. Non seulement parce que les ouvriers qualifiés qui avaient résisté à l’introduction des nouvelles méthodes furent envoyés au front et remplacés par d’autres, plus dociles (notamment les femmes), mais aussi à cause du contexte général d’union sacrée qui prévalut en faveur de l’effort de guerre.

Mais ce n’est qu’au cours de la dépression des années 1930 et de la II° guerre que se mirent en place l’ensemble des éléments qui constituent le compromis fordiste. Cette mise en place se fit en particulier sous l’influence de conflit sociaux durs qui eurent lieu aux Etats-Unis en 1933 et 1934, et qui aboutirent au volet social du New Deal (Wagner Act). Par ce dernier, la durée légale du travail est réduite, les syndicats sont définitivement légalisés et autorisés à conclure des conventions collectives.

Dernier effet important de la crise aux Etats-Unis, la ruine de l’agriculture engendre l’émergence de l’agro-industrie, qui industrialise la production des subsistances d’un bout à l’autre de la chaine alimentaire.

L’ensemble de ces éléments, joint à la domination américaine sur le cycle mondial du capital en 1945, fait qu’après 1945, une phase d’accumulation rapide peut se développer sur la base de méthodes fordistes de travail et d’un mécanisme de la plus-value relative qui joue à fond, l’ensemble du panier des substances étant à présent le produit de capitaux à accumulation intensive. Cette phase culmine au tournant des années 1970, qui ouvre la dépression longue que nous connaissons actuellement, et dont l’importance justifie que nous lui consacrions des développements particuliers par ailleurs.

La deuxième cycle marque le passage définitif à l’hégémonie américaine, avec son accompagnement d’institutions mondiales comme le GATT, le FMI ou la Banque Mondiale. Du point de vue des modalités de l’accumulation, cela signifie, après 1945, la primauté absolue de la plus-value relative comme mode de valorisation du capital. Cela se traduit notamment par l’élimination du colonialisme et l’extension du modèle américain de consommation ouvrière à l’ensemble des pays développés. La prospérité des « trente glorieuses » repose essentiellement sur l’exploitation des réserves de productivité dans la branche II (produits de consommation), et donc de plus-value relative. C’est dans ce contexte que, en Europe et au Japon, le modèle fordiste donne toute son efficacité. En France, on assiste enfin à une véritable modernisation des modalités de la subordination. C’est la formalisation définitive d’institutions comme la sécurité sociale, la généralisation du travail à la chaine (automobile, électro-ménager…), le développement des banlieues et de leurs grands ensembles, pour ne citer que quelques exemples auxquels il faut aussi ajouter la création de l’université moderne.

3) Crises de la subordination réelle

Durant la fin de la période de la subordination formelle et le début de la subordination réelle, le prolétariat des pays industrialisés a gagné la citoyenneté politique et est sorti de la misère extrême où l’avaient à l’origine maintenu les limites de la plus-value absolue. Durant cette phase, ainsi que nous l’avons évoqué, le grand problème du capital est de soumettre le prolétariat aux méthodes et conditions du travail spécifiquement capitaliste engendrées par le taylorisme et le fordisme. Dans ces conditions, les crises de la période de la subordination réelle présentent des caractéristiques nettement différentes de celle de la période précédente.

Certes, les crises ont toujours la même cause immédiate. Le ralentissement conjoncturel de l’accumulation entraine un blocage de l’échange salarial et l’irreproductibilité où ce blocage plonge le prolétariat entraine son soulèvement. Mais cette fois, il y a une inversion dans le rapport entre les différents moments de la subordination dans l’activité de crise. Dans les crises de la période de la subordination réelle, et le plus nettement dans celles du premier cycle long, le prolétariat s’affirme sur la base de la citoyenneté acquise – quitte à la critiquer dans sa forme bourgeoise, et cherche à s’opposer à la pression capitaliste visant à tayloriser/fordiser le procès de travail. Certes, l’activité de crise n’est pas une défense et illustration de la participation prolétarienne à la vie démocratique. Au contraire, celle-ci subit, dans le développement des conseils, une critique radicale. Mais c’est au niveau de la production immédiate que cette forme trouve toute sa vitalité. La forme conseil est alors la forme qui permet de contester, au niveau de l’exploitation immédiate, la deuxième dépossession que le capital a commencé à mettre en place depuis le début de la période de la subordination réelle – et que les syndicats et partis acceptent à présent de cogérer. En s’efforçant de prendre le contrôle des usines, le prolétariat essaie de reconquérir ce que le travail vivant a déjà objectivement perdu, dans l’accumulation du capital fixe, en qualification et en autonomie. C’est au nom de cette perte, et pour l’approfondir (deuxième dépossession) que le capital cherche à renforcer la subordination du travail dans l’exploitation immédiate. Et c’est au nom de son droit, acquis par la démocratie, à dire son mot dans la gestion de la société que le prolétariat s’oppose à cette offensive capitaliste et cherche à imposer son contrôle sur la production. Ce faisant, il ne peut bien sûr que remettre en cause simultanément les formes de la démocratie bourgeoise, et ce d’autant plus qu’elles sont elles-mêmes inachevées dans les zones de faiblesse capitaliste où éclatent les crises (Allemagne, Italie, Espagne).

L’éclatement de la révolution allemande est caractéristique à cet égard. Elle commence par une mutinerie de marins-soldats, à Kiel, et ne devient proprement crise révolutionnaire que lorsque le soulèvement se propage à la classe ouvrière de Hambourg. Dans la mesure où la vie militaire telle qu’elle a été inventée par la guerre de 14-18 est une forme de la subordination du prolétariat au capital[5], les mutineries sont une révolte proprement prolétarienne contre la suspension des mécanismes démocratiques par les conditions de la guerre. C’est ce qui donnera toute leur importance aux « points de Hambourg », imposés par les conseils de soldats pour refondre la discipline militaire en novembre 1918. La crise commence ainsi par une activité citoyenne. Les mutineries sont la forme prolétarienne du pacifisme.  Mais c’est ensuite, au début de 1919, lorsque la lutte se portera directement dans la sphère de la production, que l’insurrection prendra toute sa force. Dans la Ruhr, ou en Allemagne centrale, la lutte armée des conseils pour la socialisation « par le bas » se centre alors directement dans la sphère de la production et dépassent clairement le niveau de la contestation politique.

En Italie, l’expérience des conseils est poussée le plus loin en termes d’autogestion (Avril, puis Septembre 1920), puisque l’occupation des usines ira jusqu’à la remise en marche de la production dans certains cas. Il est probable que cette reprise partielle du travail est à rapporter à une accumulation relativement faible de capital fixe. Il en va de même, toutes choses égales d’ailleurs, dans le cas de l’autogestion espagnole.  Mais dans tous les cas, ce qui est caractéristique de l’activité de crise dans cette période, c’est la façon dont elle investit la sphère de la production pour tenter de dépasser, par l’autogestion, la deuxième dépossession, qui est en effet le point fort de l’attaque du capital pour renforcer la subordination du prolétariat et accroitre le taux de la plus-value.

La deuxième moitié du deuxième cycle de la subordination réelle (depuis 1970) faisant l’objet d’études plus approfondies par ailleurs, nous n’évoquerons ici que la première moitié du deuxième cycle (1945-70). Cette période  comporte deux types principaux de crises. Il y a d’une part les crises qui éclatent dans la partie orientale du capitalisme mondial. Leur contenu est trop déterminé par les conditions spécifiques de l’accumulation du capital dans ces zones pour que nous puissions les traiter dans cette esquisse. Il faudrait pour cela définir le cycle mondial du capital après-guerre dans son unité, par delà la division est-ouest – et c’est une question qui reste ouverte. L’autre type de crise est l’ensemble des mouvements sociaux de la fin des années 60, et dont le Mai 68 français  est celui qui ressemble le plus à une crise type. Située au point haut de deuxième cycle long de la subordination réelle, la crise de Mai 68 est une forme de transition entre les crises type de la période antérieure et ce qu’on peut anticiper des crises à venir. Elle répète, sans trop y croire, la problématique des conseils et des occupations d’usines, mais se distingue aussi par ce qu’on a appelé à l’époque la contestation généralisée, et qui constitue l’annonce d’une forme nouvelle de l’activité de crise, de la même façon que la Commune – également dans un point haut de cycle – annonçait les crises de la période suivante.

Cette nouveauté, qui demandera une étude approfondie, consiste dans le fait que les trois moments de la subordination sont également l’objet de l’offensive capitaliste. Les conditions de l’affirmation du prolétariat dans la crise s’en trouvent profondément modifiées dans la mesure où les bases de cette affirmation sont dès le départ contestées par le capital et où le prolétariat n’a pas de légitimité acquise lui permettant d’asseoir son offensive sur d’autres points de la subordination. S’il est de plus en plus vrai que l’importance quantitative et qualitative du travail dans la production immédiate interdit toute affirmation sur cette base, il est par contre relativement nouveau que la citoyenneté du prolétaire, sur le marché du travail et dans sa reproduction immédiate, soit également une coquille de plus en plus vide, dont même la critique ne permet pas de développer bien loin l’affirmation de la classe. Qu’il s’agisse des syndicats et du marchandage salarial ou des conditions de la reproduction immédiate (niveau de vie, enseignement, sécurité sociale, retraites… ), il est d’ores et déjà clair que ce ne sont pas là des acquis qui permettrait un nouveau compromis, comme le compromis fordiste qui s’est précisément fait par la renonciation à une certaine position dans le procès de travail, en échange de droits dans les autres moments de la subordination. Au contraire, ces anciens acquis sont à présent  remis en cause, en même temps que se renforce l’offensive sur les lieux de travail, de sorte que l’activité du prolétariat dans la  future ne pourra que remettre en cause, d’emblée, toutes les formes de la socialisation capitaliste – ce dont la contestation généralisée de Mai 68 était donc un avant-goût.  Il en résulte que l’activité de crise sera nécessairement brève et destructrice. Préciser les caractéristiques de ce processus critique est tout l’objet d’Hic Salta, et tout ce qui précède n’est qu’une mise en perspective historique de la problématique de cette recherche.

4) Le communisme théorique dans la subordination réelle

On comprend, à partir de ce qui précède, que deux éléments principaux dominent le communisme théorique de la première moitié de la période de la subordination réelle: la problématique auto-gestionnaire et la critique de la politique, en particulier dans sa forme démocratique/parlementaire. Par rapport à la période de la subordination formelle, l’évolution est parfaitement lisible dans la production théorique de la révolution allemande. Tandis que le KPD essaie de sauver la problématique social-démocrate définitivement compromise en posant qu’un parti politique ouvrier pur et dur peut et doit, en fin de compte, accepter le parlementarisme, le KAPD et plus encore l’AAUD ne voient que dans les organes de base de la classe ouvrière, les conseils, le fondement de la réalisation d’un programme prolétarien qui s’appuie directement sur les organes de lutte pour libérer le travail des formes les plus extrêmes de sa subordination et transformer dans le même mouvement le contenu des autres moments de la subordination. Ce qui, dans la période de la subordination formelle, était affirmation immédiate du travail devient maintenant affirmation de la capacité gestionnaire des travailleurs. Le modèle communiste des « producteurs associés » sur un mode plus ou moins artisanal est maintenant remplacé par une association gestionnaire d’usines entières, formant la base d’une pyramide de conseil ou la démocratie directe assure la liberté de chacun d’une façon qui revient en fin de compte à l’intériorisation de la loi de la valeur.

C’est précisément cette limite que le renouveau théorique impulsé par les crises de la fin des années 60 rencontrera très vite, poussé dans cette direction par le mouvement anti-travail des OS. Il en résultera une critique systématique du programme prolétarien dans toutes ses formes, et la formation d’une théorie communiste qui pose comme sa base de recherche le principe que la révolution n’est pas une transcroissance de l’affirmation du prolétariat dans la crise, et a fortiori dans ses luttes quotidiennes. L’abolition du capital est aussi l’auto-négation du prolétariat. Hic Salta.

Octobre 1997


[1] On parle ici des crises sociales, caractérisées par l’insurrection du prolétariat, et non pas simplement des crises économiques qui, fréquemment, ne comportent pas une telle insurrection.

[2] De façon schématique, la pénétration du capital dans l’ensemble de l’économie se fait dans l’ordre suivant:

subordination formelle

premier cycle: production de biens de production pour le capital et de biens de consommation pour l’exportation vers le précapitalisme

deuxième cycle: agriculture

surbordination réelle

permier cycle: biens de consommation pour la force de travail (hors Iindustries Agricoles et Alimentaires)

deuxième cycle: toute production est production capitaliste, y compris les IAA.

[3] Engels, 1847, cité par Rubel, Pléiade I, p. 1582.

[4] Cité par Dockès et Rosier: Rythmes économiques, Crises et changement social. Une perspective historique, Paris, 1983. p. 137 n. 14.

[5] Elle a été opérationnelle pour casser la résistance du prolétariat à l’introduction du fordisme (cf Dockès et Rosier, p. 149-150)

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